Des articles des Membres du CRET pour nourrir la réflexion sur l'éthique. Quels problèmes ? Quelles perspectives ? Article 1 Prévention du stress professionnel : les listes verte, orange et rouge Fausse bonne idée ou idée à creuser ? Pour sortir de la polémique, notre avis sur la question est qu’un tel classement se doit d’être géré avec la même rigueur que les labels qualités au sein des entreprises (normes ISO par exemple ou encore CCMI pour l’informatique). (*) Les pistes de bon sens que nous proposons sont les suivantes : 1. Le label est attribué aux entreprises méritantes. L’entreprise décroche le label ou ne le décroche pas. (**) 2. Le label est attribué selon des critères objectifs, quantifiables, mesurables. Deux hypothèses sont possibles : A. Le label est attribué si l’entreprise répond à l’ensemble des critères, à l’instar des normes ISO ; B. Le label comporte des niveaux (paliers que l’entreprise gravit au fur et à mesure de son avancement dans l’excellence), comme CCMI pour l’informatique. Dans cette seconde hypothèse, les niveaux pourraient être les suivants : - Niveau 1 : · L’entreprise a entamé des négociations en vue de parvenir à un accord ; · Les négociations ont échoué mais l’entreprise a pris un ensemble de dispositions dans l’attente de prochaines négociations (délai imposé). - Niveau 2 : un accord a été négocié et signé mais les critères ne sont pas suffisants ou pas encore atteints ; - Niveau 3 : un accord a été négocié et signé et les critères retenus sont atteints et correspondent à un très bon niveau ; - Niveau 4 : un accord a été négocié et signé et les critères retenus sont atteints et correspondent à un niveau d’excellence. 3. Des contrôles externes (audit, enquêtes anonymes…) sont menés régulièrement (idem norme ISO ou CCMI) par un organisme indépendant (tiers certificateur) pour vérifier le niveau des critères retenus et leur atteinte, soit pour l’obtention du label et/ou du niveau du label (certification), soit pour vérifier que cette obtention n’est pas remise en cause par une dégradation des résultats (audit qualité). 4. Un organisme indépendant est chargé de la définition des critères (obtention du label ou du niveau) et de l’agrément des tiers certificateurs (liste de sociétés agréées pour mener les contrôles et donner la certification). (*) Sauf si le seul objectif n’est que d’inciter les entreprises à ouvrir des négociations sur le sujet. (**) Seule la liste des entreprises labellisées est publiée. Pascal Barreau, le 21 février 2010 Article 2 Aujourd’hui le contexte de concurrence mondiale, exacerbé par la profonde crise économique que nous traversons, met les entreprises sous pression et renforce l’exigence d’éthique des managers envers leurs équipes afin de faire face avec efficacité, justesse et équité aux situations complexes qu’ils doivent quotidiennement affronter. L’éthique doit bien être comprise comme une plus-value pour les entreprises, comme un outil de bonne gouvernance aidant à l’atteinte des objectifs avec - noble cause - la bonne valorisation du capital humain. L’éthique induit des règles à suivre, des interdits et donc des contraintes librement consenties pour le plus grand bien de l’entreprise et de tous. Malheureusement, dans nombre de pays souvent dits « émergents «, les entreprises ne jouent pas le jeu, considérant l’éthique soit comme un luxe, soit comme un non-sujet dans le monde de l’entreprise. Par conséquent, certains jouent le jeu de l’éthique, et d’autres pas, ce qui crée un déséquilibre entre les acteurs économiques. Déséquilibre à l’avantage des entreprises qui ne respectent pas les règles, et ne prennent pas en compte les contraintes qu’induit un comportement éthique, car la politique de « la fin justifie les moyens » a fatalement plus de chances de succès à court terme que celles qui s’interdisent certains comportements jugés non éthiques. Le comportement éthique s’inscrit dans le temps et vise à des performances sur le long terme, mais pâtit des effets immédiats de ceux qui ne jouent pas le jeu. Alors comment sauver l’éthique dans l’entreprise dont nous sommes cependant persuadés qu’elle est économiquement efficace sur la durée de la vie de l’entreprise et sur l’ensemble de la société civile. Peut-on imaginer que les entreprises qui mettront l’éthique au cœur de leurs comportements seront celles où le niveau d’innovation sera le plus grand, leurs collaborateurs ayant le niveau d’épanouissement nécessaire pour créer et développer les produits et services de demain ? Peut-on imaginer que les entreprises qui mettront l’éthique au cœur de leurs comportements seront celles qui réussiront le mieux à produire et à vendre, grâce à une plus grande fidélité, implication et professionnalisme de leurs collaborateurs qui se sentiront vraiment partie prenante de l’entreprise. C’est notre thèse et c’est pourquoi nous croyons qu’il faut poursuivre le débat avec le plus grand nombre sur la nécessité de l’éthique dans l’entreprise. Frédérique Miller, 14/02/2010 Article 3 Pourquoi une charte Ethique ? Ces dernières années, les grandes entreprises ont toutes publié leur charte éthique. C’est devenu un « must have », un label de respectabilité, un certificat de bonne conduite en interne à l’égard des salariés et, vers l’extérieur, vis-à-vis des clients, des fournisseurs, etc. A quoi correspond cette floraison de chartes éthiques ? Label réel de qualité, expression sincère de la nécessité d’une éthique dans l’entreprise ou grand coup de pub et d’esbroufe de la part des grands groupes ? Le but est-il de proclamer haut et fort qu’une conduite éthique dans l’entreprise est non seulement un impératif d’équité, d’honnêteté, mais également un garde-fou contre les excès du monde de l’entreprise et des hommes et, en fin de compte, un gage d’efficacité ? Ou est-ce simplement un pansement sur une jambe de bois, un paravent pour masquer les excès du mode de fonctionnement de l’entreprise, une simple façade pour se donner bonne conscience tout en sachant pertinemment que rien de ce qui est proclamé ne sera appliqué ? Les deux possibilités sont probablement valides et sans doute existe-t-il également de nombreuses variations et nuances à ces hypothèses. Cependant, pourquoi un intérêt accru pour l’éthique ces dernières années ? Longtemps, l’entreprise s’est arrangée pour fonctionner sans éprouver le besoin de proclamer haut et fort qu’un code de conduite somme toute universel était nécessaire pour permettre à chacun de s’épanouir en son sein. Alors pourquoi maintenant ? Le phénomène de mode joue son rôle. Nous vivons dans un monde de communication. C’est bon pour l’entreprise de paraître s’intéresser aux valeurs, à une époque où l’image prime si souvent sur le fond… Mais la réalité suit-elle vraiment ? Il semble que non. Sans doute parce que la compétition s’est accrue. Elle est aujourd’hui mondiale, avec plus d’acteurs en présence qui se disputent âprement la création des richesses autrefois réservée aux seuls Occidentaux. Cette compétition ne laisse pas de place aux valeurs. Tout va trop vite... Tout va trop vite dans notre monde où le nombre et la puissance des outils de communication ont été démultipliés. Il faut réagir immédiatement, sans perdre une minute. La réflexion doit être instantanée ou ne pas être. On n’a plus le temps de se demander si telle approche, telle conduite fait sens, si elle est éthique. Là encore, nous faudrait-il du prémâché, un mode d’emploi à suivre qui nous évite de soupeser par nous-mêmes la valeur de nos actions ? Ce n’est pas forcément par paresse que le comportement manque d’éthique dans l’entreprise, mais plus vraisemblablement par manque de temps reconnu pour ce faire. Taylorisation extrême de la pensée : fonctionnement efficace poussé au maximum, avec mode d’emploi comportemental à suivre sans avoir à y réfléchir. Une partie des managers, conscients de la situation, ont commencé à poser des principes, en espérant que cela se traduira par des actions qui assureront un comportement éthique dans l’entreprise et de la part de l’entreprise. Mais énoncer, c’est poser la première pierre sans pour autant s’assurer que les suivantes sont posées correctement par le reste de l’organisation, c’est à la fois faire et peut-être également se dédouaner…. La lecture des chartes éthiques est toujours un plaisir. On y lit tout ce qui semble raisonnable, souhaitable et attendu du comportement de l’entreprise envers ses salariés et vers le monde extérieur. Or peu de personnes qui travaillent au sein de sociétés ayant publié une charte éthique pensent que ces dernières sont appliquées sérieusement, ou même qu’il existe une volonté réelle de les mettre en pratique. La dichotomie est toujours frappante. En comparant la réalité des entreprises à leur charte éthique, la plupart du temps on se dit : foutaises ! C’est comme si les dirigeants des entreprises avaient conscience qu’il est maintenant impératif de reconsidérer la réalité du monde de l’entreprise afin d’en éviter les pires excès, et qu’en réponse, ils publiaient de belles chartes éthiques, sans pour autant se donner les moyens de les mettre en œuvre. Où sont les directions des ressources humaines qui devraient prendre à bras-le-corps ces chartes éthiques et s’assurer qu’elles sont bien mises en œuvre à chaque niveau de l’entreprise. Cela coûterait-il trop cher ? Si oui, par rapport à qui, à quoi ? Cela représenterait-il trop d’efforts, de remises en question ? Est-ce trop difficile, face à une concurrence qui s’en moque ? Est-ce un constat d’échec devant l’impossible conciliation de l’éthique et de l’entreprise ? Il faudra bien un jour qu’en dépit de ces difficultés réelles, les managers répondent à ces questions, faute de quoi le fossé se creusera encore plus entre les prétendues valeurs de l’entreprise et la réalité. Et à ce divorce, personne ne trouvera à gagner! Frédérique Miller, 06/04/2009 Tous droits réservés |